Freud : Introduction à sa pensée

Freud père de la Psychanalyse
Freud père de la Psychanalyse

Une brèche dans la conscience

Parler de Freud, ce n’est pas parler d’un homme du passé. C’est parler de celui qui, le premier, a ouvert une brèche dans la certitude que nous aurions un rapport clair à nous-mêmes. Avant Freud, on pouvait encore croire que la conscience disait la vérité de ce que nous sommes. Après lui, ce n’est plus possible. Quelque chose, en nous, échappe. Quelque chose parle, agit, désire, sans que nous le sachions. C’est cela que Freud nomme l’inconscient.

Freud n’a pas découvert une « partie cachée » de l’esprit comme on découvrirait une nouvelle planète. Il a révélé une faille : une division au cœur du sujet. Nous croyons parler, décider, vouloir… mais nos mots, nos gestes, nos lapsus parfois, trahissent un autre discours. C’est ce décalage, ce reste, que la psychanalyse prend au sérieux. Elle s’ouvre à ce qui se dit malgré nous — ou peut-être à cause de nous.


L’inconscient comme langage

Lacan, plus tard, résumera cela d’une formule devenue célèbre : l’inconscient est structuré comme un langage. Ce qui agit en nous ne relève pas d’un chaos pulsionnel, mais d’une logique, d’une grammaire. Ce n’est pas l’inconscient qui parle n’importe comment : c’est nous qui ne savons pas encore l’entendre.

La psychanalyse, dès Freud, est donc une aventure d’écoute. Elle suppose qu’un sujet puisse venir dire — tout dire, même le plus insignifiant — pour laisser apparaître ce qui, dans ses mots, échappe à son contrôle. Dans cette parole sans censure, quelque chose de vrai se formule, souvent à travers le détour du lapsus, du rêve ou du symptôme.


Le symptôme comme message

Freud le découvre d’abord à travers ses patientes hystériques. Leurs corps parlent, là où la parole leur a été refusée. Le symptôme devient une manière de dire ce qui ne peut pas se dire autrement. Et si le corps souffre, c’est qu’il porte la trace d’un conflit intérieur : un désir qui n’a pas trouvé d’adresse, un signifiant qui reste en suspens.

Par la parole, ce conflit peut se déplacer, se transformer — non pas disparaître, mais se réécrire autrement. Le symptôme, dans cette perspective, n’est pas une erreur à corriger : c’est une énigme à entendre. Lacan dira que le symptôme, c’est « ce qui fait nœud » : le point autour duquel s’organise la vérité singulière d’un sujet.


La parole plutôt que le savoir

De Freud à Lacan, la psychanalyse garde cette même orientation : ce qui compte, c’est le dire, pas le savoir. Ce n’est pas une méthode de guérison au sens médical, mais une expérience de vérité. On ne vient pas en analyse pour devenir « normal », mais pour rencontrer ce qui, en soi, insiste et résiste.

Freud disait : là où était le ça, le moi doit advenir. Lacan reformule : le sujet advient à la place de son inconscient. C’est une traversée, parfois longue, souvent déroutante, où l’on apprend à se laisser enseigner par ce qui nous échappe. L’écoute analytique ne vise pas la maîtrise, mais l’émergence d’un sens qui n’appartient à personne d’autre qu’à celui qui parle.


Le sujet du désir

La pensée freudienne ne se résume pas à quelques notions — refoulement, complexe d’Œdipe, rêve, pulsion. Ces concepts ne sont que les portes d’accès à une question plus fondamentale : qu’est-ce qu’un sujet ? Non pas un individu autonome, mais un être parlé, pris dans le langage, travaillé par le désir et la loi.

Freud montre que la sexualité n’est pas un domaine isolé, mais le moteur même du psychique — une énergie du manque, du plaisir, du fantasme. C’est ce manque, cette incomplétude, qui fait de nous des êtres de parole et de quête. Là où il y a désir, il y a sujet.


L’énigme de soi

Là se trouve sans doute la portée la plus actuelle de Freud : nous ne savons pas ce que nous voulons, et c’est cette ignorance qui nous fait désirer. Dans un monde où tout cherche à se maîtriser, la psychanalyse rappelle qu’il y a, au cœur de chacun, un reste d’inconnu, irréductible, vivant.

Entrer dans la pensée de Freud, c’est accepter de ne pas tout comprendre, mais d’écouter autrement. C’est laisser se dire ce qui, parfois depuis longtemps, attendait d’être entendu. C’est, au fond, accueillir cette phrase simple et vertigineuse : l’inconscient, c’est le discours de l’Autre.